Les États-Unis à l’épreuve de « la post-vérité » et des « faits alternatifs »

Le jeudi 23 février, dans les salons du Palais du Luxembourg, Géostratégies 2000 a organisé un petit déjeuner autour de Pap Ndiaye, Normalien et spécialiste de l’histoire sociale des États- Unis. Cet universitaire, directeur du département d’histoire à Sciences Po Paris, qui a également enseigné en Pennsylvanie et à New York, nous a apporté son éclairage sur le nouveau Président américain et sur les raisons qui l’ont porté à la Maison Blanche. Il a également démontré que  ses « propos décoiffants » allaient être difficiles à appliquer, vu l’importance des contre pouvoirs existants dans ce pays, viscéralement démocratique

Le 8 novembre, à l’annonce des résultats, Donald Trump n’a pu cacher sa propre surprise et cela illustre parfaitement le caractère imprévisible de cette élection, [lance Pap Ndiaye,] avant de s’interroger sur les raisons de cette victoire.] Tout d’abord, [explique-t-il], il y a la campagne ratée d’Hillary Clinton, beaucoup trop technocratique. A Chicago, dans les quartiers pauvres, les habitants n’ont jamais rencontré un seul militant démocrate. Cette faible mobilisation a entraîné une baisse de la participation et c’est ainsi que trois Etats clés, la Pennsylvanie, le Wisconsin et le Michigan ont basculé du coté de Trump, de justesse. A chaque fois, il manquait à peu près 60 000 électeurs pour renverser la tendance.

Trump, pour sa part, a récolté les votes républicains classiques, mais aussi ceux de nouveaux électeurs, des blancs issus des couches moyennes inférieures dans les vieux États ouvriers. Pourtant, reconnait-il, la situation économique actuelle n’est pas désastreuse. A l’origine de cette évolution, il y a deux grands courants historiques qui s’entremêlent. D’une part, depuis le début des années 60, la désindustrialisation et la perte de pouvoir des syndicats ouvriers. Ces forteresses se défont avec la fermeture des usines, principalement automobiles. C’était un monde protégé, très bien payé, avec de très bonnes couvertures sociales et des retraites élevées. Mais qui n’existe plus. Depuis 2011, l’industrie automobile a redressé la tête, de nouveaux emplois ont été créés, mais les salaires sont deux fois moins hauts, tout comme les pensions. Cette relative bonne santé cache une réalité plus sombre, avec moins de pouvoir d’achat et des avantages acquis qui diminuent. L’économie « fordiste », qui a atteint son apogée dans les années 50, en est la grande victime. Trump a senti ce désarroi, c’est pourquoi il a promis le retour de « bons emplois », la réouverture des mines des Appalaches, fermées depuis qu’une grande partie du charbon est importé du Brésil.

UN PRÉSIDENT DÉROUTANT

Parallèlement, on assiste à une transformation sociale et culturelle des États-Unis. Avec la réouverture des frontières, à partir de 1965, les Asiatiques et les Hispaniques arrivent en masse.

Dans le même temps, sous l’impulsion du mouvement pour les droits civiques, les minorités obtiennent des droits, notamment celui de voter en 1964, et c’est la fin de la ségrégation officielle. La société américaine est en ébullition, avec pléthore de nouvelles associations pour le droit des femmes, des homosexuels et de bien d’autres encore. Ce qui marginalise les hommes blancs, appartenant aux couches privilégiées. C’est le triomphe de l’Amérique multi culturelle dans les grandes villes et Obama en est en quelque sorte le produit. Toutefois, tout ceci masque une autre facette de l’Amérique, plus conservatrice, plus arc boutée sur l’ordre ancien, qui nourrit des ressentiments face à ces changements perçus comme néfastes. Cette frange de la population ne reconnaît plus son pays et pense que le «Rêve américain » est désormais inaccessible. Les gens s’insèrent devant vous dans la file d’attente et donc vous n’avancez plus, protestent-ils.

Trump a su rallier au delà du socle républicain classique, [résume Pap Ndiaye,] mais est-il vraiment un idéologue? il est avant tout un homme d’affaires, embauché dès 1969 par son père, influent promoteur immobilier à New York, [observe-t-il]. Sur le plan fiscal, il est peu transparent, assez sulfureux. D’ailleurs, il n’a jamais voulu publier ses avis d’imposition. Politiquement, son cœur penchait plus pour les Démocrates, il se disait favorable à l’avortement, opposé à la peine de mort et semblait plus intéressé par les casinos et les femmes que par la Bible. A priori, il ne s’inscrit pas dans les courants religieux qui ont renouvelé le Parti conservateur depuis 1990. C’est avant tout un opportuniste politique, qui a trouvé son créneau et affiche donc désormais des convictions religieuses, [martèle Pap Ndiaye,] à l’inverse de son vice-président, Mike Pence, ancré dans l’histoire conservatrice américaine. Trump louvoie constamment et il est bien difficile de voir en lui un homme politique avec une idéologie constante. Il peut changer, il y a peut-être là une lueur d’espoir, [note-t-il].

Son élection a été très serrée et très déficitaire en nombre d’électeurs, avec 2,8 millions de voix de moins qu’Hillary Clinton. Cela s’est déjà produit mais dans des proportions moindres. Il ne manquait que 400 000 voix à George Bush face à al Gore. Depuis 1964, le Parti Démocrate a perdu le vote blanc. Carter et Clinton ont rassemblé environ 47% de ces électeurs, Obama à peu près 43%. En revanche, depuis 1968, c’est le parti Républicain qui est le plus souvent au pouvoir.

Les Démocrates gagnent quand il y a une sur- mobilisation des minorités et de la jeunesse. C’est un électorat porteur, car démographiquement très dynamique, mais cette fois, cela n’a pas fonctionné,  à cause d’ un cruel manque d’affinités avec Hillary Clinton.

Trump est maintenant Président depuis cinq semaines et l’improvisation semble encore totale, [observe Pap Ndiaye.] Tous les débuts sont hésitants, c’est normal. Il y a des transferts de pouvoir, il faut se familiariser avec les rouages. Les Présidents n’ont que très rarement une expérience gouvernementale. Ils sont généralement d’anciens gouverneurs, excepté Kennedy et Obama qui étaient sénateurs. Mais, cette fois, cela prend une proportion un peu inquiétante. Son conseiller à la Sécurité nationale, Michael Flynn, a dû démissionner, suite à des relations inappropriées avec la Russie, fin décembre, alors qu’Obama était toujours en fonction. Et qu’il a dans un premier temps, niées…

UNE MARGE DE MANŒUVRE LIMITÉE

Par ailleurs, les décisions prises par décret et signées à tour de bras, ont surtout une fonction théâtrale, visant à affirmer l’autorité du nouveau Président. Or, un acte de l’exécutif ne peut pas abroger une loi. A propos du mur qui doit être construit entre les États-Unis et le Mexique, il n’y a rien de prévu quant au financement, qui devrait s’élever à 20 milliards de dollars. Or, seul le Congrès peut le voter. C’est la même chose pour la suppression de l’ "Obama Care". Seule une nouvelle loi peut abroger l’ancienne.

Enfin, il faut prendre en compte le pouvoir judiciaire, qui se révèle être un grand adversaire. Ce qui peut étonner, car beaucoup de juges fédéraux ont été nommés par des Présidents républicains (Bush père et fils). Ils se sont déjà dressés contre certains décrets. Ainsi, un juge fédéral de l’État de Washington, républicain qui plus est, a aboli le décret gelant l’accès au territoire américain aux ressortissants de pays musulmans. A la Cour Suprême, on dénombre quatre juges centristes, démocrates. Tous sont nommés à vie. Or, l’histoire est pleine de rebondissements et les juges conservateurs peuvent devenir progressistes. Ainsi, Earl Warren, qui a présidé la Cour Suprême de 1969 à 1986, a pris des décisions majeures considérées comme des avancées sur l’avortement, la peine de mort et la déségrégation scolaire. Sous son mandat, la Cour Suprême est passée de la défense du droit de la propriété à la défense du droit humain. Le juge Scalia, décédé l’année dernière, a lui aussi privilégié l’intérêt général du pays. C’est un pôle potentiel de résistance, [reconnaît Pap Ndiaye,] tout comme le pouvoir législatif. Il y a certes une majorité républicaine, mais elle est loin d’être alignée sur les positions protectionnistes de Donald Trump.Cela ne sera pas facile d’obtenir l’accord du Congrès, assez largement favorable au libéralisme économique, pour sortir de l’Alena, l’accord de libre échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique.

La société civile, elle aussi, se réveille et exprime ses désaccords, les élus se font apostropher à propos de la suppression de l’ « Obama Care ». Les tensions avec la presse sont violentes. Trump tente de créer un canal d’informations parallèle aux médias, qui le relierait directement au peuple.

Cela a toujours plus ou moins existé, avec par exemple, les causeries au coin du feu de Roosevelt, mais là, la manière est inédite. Trump est le champion des tweets qui claquent comme des coups de fouet. Il veut court-circuiter les canaux habituels de la grande presse, majoritairement démocrate et veut uniquement faire confiance aux média amis. Steve Bannon, nouveau Haut conseiller stratégique de la Maison Blanche est ainsi l’ancien directeur du site ultra conservateur Breitbart News, qui fut la meilleure arme de propagande de Trump, pendant sa campagne. Toutefois, la très conservatrice chaîne Fox News n’est pas disposée à devenir le porte parole du nouveau Président et s’est montrée très sévère à son égard lors de l’attentat imaginaire en Suède.

Les États-Unis sont une démocratie vivante, où le Président n’est pas le seul maître à bord, [rassure Pap Ndiaye.] Les limites de son pouvoir vont se faire de plus en plus sentir. Les élections au Congrès en 2018 pourraient rogner sa majorité républicaine. On peut également envisager la procédure de l’ « impeachment », qui l’obligerait à quitter son mandat. Plus anecdotique, il y a l’article 23 de la Constitution américaine qui prévoit d’écarter le Président en cas de troubles mentaux… Quoiqu’il en soit, une bonne partie de ses déclarations tapageuses sont là, uniquement pour rassurer ceux qui le soutiennent, soit environ 40% des Américains. Ce socle est « réduit aux acquêts » et c’est inédit. Généralement, le Président nouvellement élu attire une large frange de la population, bien au delà de ceux qui ont voté pour lui. Ainsi, Obama, après sa prise de fonctions, recueillait près de 80% d’opinions favorables! Il déploie un activisme de façade, mais son bilan risque fort d’être très maigre. Et c’est mieux ainsi, car son hostilité face à la construction européenne, ses ambiguïtés vis à vis des différentes alliances militaires ont de quoi inquiéter.

En fait, il remet en cause l’ordre mondial hérité de l’après guerre, mais pendant ce temps, son Vice Président et son ministre des Affaires Étrangères font du rétro pédalage, notamment en ce qui concerne l’OTAN. Trump peut continuer à s’agiter sur la scène nationale et internationale, si dans les coulisses, on s’active pour neutraliser ses déclarations, [ironise Pap Ndiaye, en guise de conclusion.]

Jean-Louis Pierrel (Relations Universitaires IBM France. Secrétaire Général Adjoint Géostratégies 2000): Donald Trump pourra-t-il longtemps aller contre le big business américain qui est  résolument contre le protectionnisme et la fermeture des frontières?

Eric Verstraete (Expert Financier Développement - Bouygues TP) : Pour mettre en œuvre sa politique économique de relance intérieure, Trump ne va-t-il pas buter sur la structure fédérale décentralisée des USA?

Pendant sa campagne, Trump a fustigé le monde des affaires, qui redoute le protectionnisme. Toutefois, tout ceci n’est pas homogène. Il y a une économie ouverte, dynamique, notamment en Californie avec les géants de l’informatique (Google, Apple..) et l’industrie du cinéma. Également les services financiers, qui ont des oreilles attentives au Congrès… Tous ces secteurs ont énormément à perdre et ils sont vent debout contre Trump. Mais, il y a aussi tout un pan de l’industrie, moins sévère vis à vis de sa politique, car moins en prise avec les marchés étrangers. C’est le cas de l’automobile, qui n’est pas opposée au fait de taxer les industries étrangères, tant elle a été attaquée par les concurrents asiatiques, notamment japonais et coréens.

On ne peut nier le caractère décentralisé de l’État Fédéral, qui n’a pas la main sur la police, par exemple. Il y a, dans le pays, 16000 départements de police. En revanche, il est seul maître à bord pour la signature des traités internationaux ou les lois sur le protectionnisme.

Carol Amouyel-Kent (Présidente de la Oxford University Society of Paris): La Federal Reserve pourra-t-elle être un contre pouvoir, comme l’appareil législatif et judiciaire?

C’est certain. Des tensions apparaissent entre la FED et les intentions économiques et financières du nouveau gouvernement. La présidente de la FED a reconnu être hostile à la politique de Trump mais son mandat se termine bientôt. Trump va nommer un nouveau Président à la tête de la FED, qui sera certainement plus maniable.

Francis Babé (Sciences po - IHEDN) : On évoque souvent la procédure d’ « impeachment » pour mettre fin prématurément à l’expérience Trump. Qu’en pensez-vous?

C’est une procédure lourde. Quand la menace s’est précisée, Nixon a préféré démissionner de lui même. il faut pouvoir démontrer que le Président a failli gravement dans ses fonctions. Pour Nixon, c’était l’affaire du Watergate.

Avec Trump, la question du conflit d’intérêt peut surgir. Entre, d’une part, ses intérêts privés, confiés à ses deux fils et sa fonction présidentielle. La séparation est fragile, toute communication reste possible.

Ses liens avec la Russie peuvent également être évoqués. Les gages éventuels qu’il aurait donnés à Poutine en échange d’une déstabilisation de la candidate démocrate. Cela peut faire l’objet d’une enquête du Congrès.

Christophe Gravereaux (Avocat associé. Président du groupe Professions Juridiques Libérales et de Conseil Sciences Po Alumni) : L’élection de Trump va-t-elle changer la politique de défense des États-Unis à l’égard de l’Europe?

Pendant sa campagne, Trump a répété que les engagements militaires des Américains dans le monde entraînaient de trop grosses dépenses. Il souhaiterait une participation financière moindre pour son pays, mais plus élevée pour ses alliés, qui juge-t-il, se reposent trop sur les USA. Ce qui, il faut l’admettre, n’est pas totalement faux. En matière de défense, Trump a une vision financière. Par exemple, il remet en cause l’avion de combat F35, considéré comme trop onéreux. Cette approche comptable n’implique pas une remise en cause totale de l’Alliance.

Il n’y a pas de nouvelle stratégie mais des pistes qui sont lancées, comme un appel à l’Allemagne pour contribuer davantage sur le plan financier.

François-Xavier Martin (Président d’Honneur de Crédit X Mines. Secrétaire Général adjoint et trésorier de Géostratégies 2000): A quoi attribuez vous la bienveillance systématique que Donald Trump semble manifester à l’égard de la Russie?

En tant qu’homme d’affaires, Trump connaît bien la Russie, il y a de nombreux intérêts. Il y a eu des négociations pendant la campagne électorale, mais difficile de savoir quel en était le contenu. Toutefois, on ne peut nier que le rapprochement avec la Russie constitue un élément central dans sa ligne politique. Une stratégie qui est aux antipodes de l’ère Obama marquée par de vives tensions. La question est de savoir si Poutine est vraiment favorable à cette évolution. Ces deux chefs d’État ont encore beaucoup de divergences et il n’est pas sûr que ce rapprochement se concrétise. D’ ailleurs, le nouveau Ministre des Affaires Étrangères, Rex Tillerson, ne s’est pas caché pour critiquer la politique de la Russie vis à vis de l’Ukraine.

Philippe Beauvillard (Directeur Electre) : Les contre pouvoirs que vous avez rappelés ne sont-ils  pas assez inopérants en matière internationale?

Jacques Lutfalla (Contrôleur Général des Armées) : Selon le journal Le Monde, Trump se serait aliéné les services de renseignement, danger potentiel pour son avenir. Qu’en pensez-vous?

Les services de renseignement constituent un frein au pouvoir exécutif. Depuis 1945, L’État fédéral a une très grande puissance. Il y a énormément de fonctionnaires à Washington. Depuis la prise de fonction de Trump, tous les Ambassadeurs ont été rappelés. Dans l’administration, c’est le grand vide, tout comme dans les services de renseignement. Le même scénario que pendant le Macc arthysme. Beaucoup d’éminents spécialistes quittent leurs fonctions car ils pensent que les prochaines décisions ne correspondront pas à ce qu’ils préconisent. Les services de renseignement sont très dubitatifs et le départ des meilleurs est à craindre car ils seraient remplacés par des opportunistes.

Pierre Amouyel (Ingénieur Général des Mines honoraire): L’imprévisibilité de Trump n’implique-t-elle pas un risque plus grand dans le domaine international?

En Chine, par exemple, depuis l’entrée en fonction de Trump, les relations se sont adoucies. Il semble être revenu sur l’idée de la coexistence de deux Chine. Son coup de fil à la Présidente de Taïwan n’est plus d’actualité. La continuité semble l’emporter mais beaucoup de spécialistes de la Chine au ministère des Affaires Étrangères ont préféré partir.

Avec Israël, le nouvel ambassadeur, l’avocat d’affaires David Friedman, s’est d’abord prononcé contre une décision de paix à deux États, pour une expansion des colonies et pour le déménagement de l’ambassade à Jérusalem. Mais, lors de son audition au Sénat; il s’est excusé et est revenu sur ses précédentes déclarations.

Il est certain que l’on va assister à un rapprochement  entre Trump et le gouvernement de Netanyahu (qui avait de très mauvaises relations avec Obama),mais le Département d’État semble rester sur la politique américaine affirmée depuis des années. D’ailleurs, la visite de Netanyahu à Washington n’a pas vraiment fait bouger les lignes. Et dernièrement, l’administration Trump a critiqué le nouveau programme de colonisation.

Lycée Jacques Feyder : Qu’en est-il pour les Afro-américains aux USA? Constituent-ils un obstacle pour Trump?

Ils ont voté massivement contre Trump, mais globalement, leur participation au scrutin a été plus faible que d’habitude. Une des clés de la défaite de Clinton. Elle n’a pas assez organisé sa campagne autour des plus défavorisés. Les propos de Trump vis à vis des Afro-américains sont caricaturaux. Il relie le monde noir aux ghettos et aux grandes catastrophes. Il a une approche très condescendante. Cette communauté s’inquiète à juste titre. Trump a été poursuivi en justice pour ségrégation dans ses différentes entreprises. Mais, c’est un peu tard.

Le nouveau Ministre de la Justice, Jeff Sessions, ancien sénateur de l’Alabama, inquiète. Il est décrit comme « discriminant et xénophobe » et a inspiré la politique anti immigration de Trump.

Dans certains State, déjà, la loi de 1965 sur le droit de vote, est de plus en plus grignotée. Cela ne plaide pas en faveur d’une politique égalitaire.

Luc de Noyelle (CHEar) : Le « spoil system » descend jusqu’à quel niveau dans la haute administration ?

Tout dépend de l’ampleur de la transition. Lorsqu’elle a lieu entre les Républicains et les Démocrates, ou vice-versa, elle est forte, mais cette fois, elle est maximale. On assiste à un basculement qui descend très bas, à des niveaux inhabituels. Cette grande vacance de postes à pourvoir est très grave, cela rappelle le Maccarthysme, et surtout lorsqu’il s’agit de secteurs comme la diplomatie ou les renseignements, où l’expérience est capitale.

Dimitri Tellier (Professeur agrégé de philosophie- Lycée Condorcet - Montreuil) : L’élection de Donald Trump ne manifeste-t-elle pas simplement la montée des populismes dans nombre de pays démocratiques?

C’est exact. Il y a des correspondances qui sautent aux yeux entre la sociologie de l’électorat de Trump (des Blancs, pauvres et désabusés) et celui qui a voté pour le Brexit en Grande-Bretagne. On relève le même phénomène en France avec le Front National et aussi en Europe Centrale. Mais, il y a des limites. Dans notre pays, Trump et Poutine ne sont pas très populaires, ils ne représentent pas des têtes d’affiche attrayantes pour l’électorat français. Tout cela nous interroge sur l’arc démocratique à construire pour s’opposer à ces phénomènes. Il faut réfléchir et tirer des leçons des fractures sur lesquelles jouent les populistes qui sont aussi de grands opportunistes. Les populistes xénophobes semblent avoir le vent en poupe, mais il y a aussi un caractère théâtral dans leurs déclarations. Lorsque Trump a décidé, par décret, de bloquer l’entrée des ressortissants de pays musulmans, il a été désavoué par un juge fédéral. Il ne faut pas perdre de vue que la loi de 1965 sur l’immigration est toujours en vigueur. S’il veut mettre en place une nouvelle politique, avec obligation de visas ou autre, il ne pourra le faire sans l’accord du Congrès. Et cela est loin d’être gagné!!

Marie-Clotilde Hingray Propos non revus par intervenants