« AVEC TRUMP, QUEL AVENIR POUR L’OTAN? »

    Le mercredi 16 novembre, le Général d’Armée Aérienne Jean-Paul Paloméros était l’invité du petit-déjeuner mensuel de Géostratégies 2000, dans les salons du Palais du Luxembourg. L’ancien Chef d’État Major de l’Armée de l’Air, ancien Commandeur suprême de l'OTAN pour la transformation, nous a donné sa vision de la politique de défense européenne, indissociable, selon lui, de l’Alliance Atlantique et de l’OTAN. Face aux nuages qui s’amoncèlent dans le ciel de notre Vieux Continent et aux incertitudes liées à l’élection de Donald Trump, il a exhorté l’Europe à surpasser ses mésententes et à s’unir autour de ses valeurs. A se poser en partenaire crédible et ambitieux dans un monde de plus en plus imprévisible. Au milieu des tempêtes qui secouent notre monde, j’ai trouvé une nouvelle réjouissante, lance sur le ton de la plaisanterie, le Général Paloméros. Le nouveau Président élu en Bulgarie est l’ancien chef de l’état major de l’Armée de l’Air, un outsider qui a commencé sa carrière comme pilote de chasse! Plus sérieux, il reconnait que 2016 restera une année stratégique dans nos mémoires, et que nous sommes en train de vivre la fin d’une histoire. Mon leitmotiv, en tant que Commandant Suprême, en charge de la transformation de l’OTAN, était le dialogue. Savoir dépasser un grand nombre d’idées reçues pour mieux construire l’avenir ensemble. Un nouveau concept est en train de s’imposer, le « post truth », note-t-il. Signifie-t-il que la vérité ne compte plus, qu’il faut vivre dans l’imaginaire, le subconscient? Il y a un peu de tout cela dans ce que l’on vit en ce moment. Mais, lorsque la réalité nous ramène les pieds au sol, l’atterrissage est dur. VERS UN DÉSENGAGEMENT MILITAIRE AMÉRICAIN ? En 2016, entre le Brexit et l’élection de Trump, nous avons connu une concordance temporelle très particulière. Dans ce contexte, la France doit jouer un rôle important, être à la fois un moteur au sein de l’Union Européenne et un partenaire à part entière au sein de l’Alliance Atlantique. Depuis 2009, elle a réintégré le Commandement militaire intégré de l’OTAN, qu’elle avait quitté sous De Gaulle. Elle retrouve donc toute sa place, et la nomination d’un général français comme Commandant Suprême de l’OTAN, est un signe de confiance des Américains, qui n’avaient jamais confié un tel poste à un Européen. Il est vrai que la France est engagée sur tous les fronts, qu’elle démontre sa volonté et ses capacités dans la gestion des crises. Contrairement à ses premières déclarations, ce serait un signe de sagesse, de la part de M. Trump de maintenir, voire de renforcer l’Alliance Atlantique. Certes, 99% des Américains ne la connaissent pas, ce qui leur parle c’est le débarquement en 1944, les plages de Normandie, l’engagement des « boys » en Afghanistan ou en Irak. De son côté, M. Trump considère l’OTAN comme une machine procédurale et administrative, il pense que l’Amérique dépense beaucoup plus pour sa défense que le reste du monde et que cela ne peut plus durer. Il est vrai que le budget militaire représente 700 milliards de dollars, la même somme que l’ensemble des 14 pays qui suivent. Il y a un fossé entre ce que les Américains investissent dans leur défense et les autres, même si les résultats de ces investissements massifs ne sont pas toujours au rendez-vous. Toutefois, les USA sont la seule superpuissance actuelle. Dès lors, la question qui se pose au nouveau présent américain est la suivante : assume-t-il ce statut et avec quels Alliés ? Si M. Trump lit le Traité de Washington qui, en 1949, a créé l’Alliance Atlantique, il se rendra compte que ce sont des esprits visionnaires et courageux qui en sont à l’origine. Il fallait à tout prix stopper le cycle des guerres mortifères, tirer les leçons de ces générations perdues. Reconstruire l’Europe autour de l’essentiel, les valeurs, la démocratie, la liberté, l’état de droit. Tout ceci constitue l’esprit et le fondement de l’Union Européenne et de l’Alliance Atlantique. Cette dernière a permis à des pays qui aspiraient à la démocratie, d’y accéder, elle est le garant de la défense collective. Cela n’a aucun sens de dissocier l’Alliance Atlantique et l’Union Européenne. Vingt deux des vingt huit (bientôt 29 avec le Monténégro) sont membres de l’UE et ils veulent maintenir une cohérence dans leurs engagements au sein des deux organisations. Les pères fondateurs de l’Europe, qui sont les mêmes que ceux qui ont conçu les Nations Unies et l’Alliance Atlantique, voulaient développer la prospérité dans la sécurité et répondre aux aspirations des citoyens. Ils se sont appuyés sur 3 piliers. Le politique, l’économique, qui a le plus émergé (avec la CECA, puis la CEE) et le militaire avec la CED. Malheureusement, ce dernier volet a été un échec. La France qui l’avait initié, l’a ensuite rejeté. L’Europe n’a pas su réinventer ce pilier et c’est ce qui nous fait défaut, déplore le Général Paloméros. Pour que l’Europe trouve sa place au sein de l’Alliance Atlantique, elle doit se renforcer autour de ses idéaux de départ. RENFORCER LE SOCLE EUROPÉEN De son coté, l’Alliance Atlantique a évolué, mais elle garde toujours la même philosophie. Ce n’est pas une coalition de circonstance, c’est une union profonde entre des pays touchés par la guerre, avec des bases très fortes, à la fois politiques et militaires. Un modèle unique au monde, une interaction entre une organisation politique (les chefs d’état et de gouvernement se rencontrent chaque année pour débattre des questions de défense et de sécurité) et des compétences militaires. Les USA, la France et la Grande-Bretagne (les trois puissances nucléaires) apportent l’essentiel de la crédibilité, mais la force de l’Alliance réside aussi dans son aptitude à faire travailler entre elles les différentes armées (avec des entraînements et des exercices). L’objectif est  de garantir l’interopérabilité des forces des pays alliés. Toutefois, remarque le Général Paloméros, tout n’est pas simple. Car cette Alliance élargie doit concilier des cultures, des histoires, des sensibilités et des perspectives différentes, de l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud de ce vaste ensemble que constitue la zone Euratlantique.  Il faut savoir exploiter l’intelligence et l’énergie, là où elles se trouvent. Le poids stratégique et financier des pays membres ne sont pas les seuls critères, leurs contributions humaines et leur engagement opérationnel sont également primordiaux. Au cours de son histoire l’Alliance a dû relever de nombreux défis et s’adapter pour garder sa pertinence. Ainsi, elle a su garder sa place après la Chute du Mur de Berlin. Ainsi, dès 1995, elle s’organise et vient en aide aux Nations Unies et à l’Europe, qui n’a pas su faire face à l’éclatement des Balkans. Que ce soit en en Afghanistan, en Libye, ou dans l’est de l’Europe, l’Alliance permet de maintenir un engagement solidaire des Alliés, en particulier des Américains. Aujourd’hui, si la transformation de l’OTAN, fondée sur le consensus, ne peut, à elle seule, combler les écarts budgétaires, capacitaires, opérationnels entre les Alliés elle n’en reste pas moins essentielle pour garantir sa crédibilité politique et militaire. Il existe, depuis toujours, un déséquilibre entre les budgets et engagements américains et européens. Déjà, Eisenhower l’avait dénoncé. Dans les années 2000, Rumsfeld était revenu à la charge. Obama a sans doute mieux compris les problèmes de notre continent, mais ce déséquilibre, souligné par le Président Trump demeure préoccupant. On ne peut nier le poids très lourd des USA dans l’Alliance. La défense collective de l’Europe, sans le budget et l’impact politico-militaire des Américains, serait très difficile voire illusoire. D’ailleurs, les Britanniques ont toujours affirmé que l’OTAN était pour eux l’axe central de cette défense collective. C’est un choix politique qu’ils ont toujours assumé et qui se renforce encore avec le Brexit. Dans cette perspective, le « gap » va s ‘accentuer. 80% du budget de la défense de l’Alliance sera assuré en dehors de l’UE, qui, par ailleurs, ne pourra plus compter que sur une seule puissance nucléaire, la France. L’Europe ne peut pas revendiquer une place prioritaire, vu ses faiblesses. En revanche, elle doit afficher des ambitions fortes et convaincre D. Trump que l’Alliance Atlantique demeure le pilier du partenariat transatlantique pour la paix et la sécurité. Trump va devoir faire face à la complexité des crises du 21ème siècle. Il va se rendre compte qu’on ne peut pas retirer une pièce du puzzle sans le détruire. Même s’il dit admirer V Poutine, il devra se prononcer sur l’avenir de la Crimée, et plus globalement, sur tout ce qui définit la politique étrangère américaine. Il ne pourra pas refuser les responsabilités qui incombent aux USA dans leur rôle de superpuissance, martèle le Général Paloméros. Son slogan de campagne « Make America Great Again » est un discours interne, mais il risque de se traduire par de fortes tensions, en particulier économiques. L’Allemagne est très inquiète de ce virage, plus que de possibles revirements diplomatiques, car l’économie est le ciment de la prospérité. Les Américains vont-ils revenir à l’isolationnisme, comme avant 1914 et casser la dynamique transatlantique qui a fait notre force? Il ne faut pas oublier que les intérêts des uns et des autres sont étroitement liés, conclut le Général Paloméros, et plus l’Europe sera forte, organisée et confiante en son avenir, plus elle apparaîtra comme un interlocuteur de poids. D’ailleurs, fortes de 22 membres communs, l’OTAN et l’Union Européenne doivent travailler de plus en plus, de mieux en mieux ensemble. Lors des derniers Sommets de Cardiff et de Varsovie, des propositions dans ce sens ont d’ailleurs fait l’unanimité. Malheureusement, le Brexit est un aveu de faiblesse pour l’UE, et si les divisions se multiplient, si elle ne sait pas expliquer que tous ses membres ont un avenir commun, alors, le ciel pourrait s’assombrir encore plus… Michel Troiekouroff (Juriste) : Y a-t-il un ennemi patent qui justifie une défense forte? Les Etats-Unis ont-ils eu tort d’étendre l’OTAN aux limites de la Russie ? En tant que Commandant Suprême, en charge de la transformation de l’OTAN, mon objectif était de faire progresser ensemble sur le plan militaire des pays qui partagent les mêmes modes de vie, les mêmes cultures et valeurs et qui ont décidés de s’engager solidairement pour leur défense au sein d’une Alliance à vocation défensive, pacifique et démocratique. L’OTAN est victime d’une véritable propagande de la part de la Russie, selon laquelle elle serait une machine au service d’une  « Pax Americana »  qui viserait à déstabiliser l’environnement géostratégique Russe. En fait, après la chute du Mur, les pays Européens orientaux ont démocratiquement aspiré à rejoindre l’OTAN mais aussi l’UE, pour garantir leur sécurité et leur prospérité.  C’est à l’unanimité que les Alliés ont décidé d’accepter la candidature de ces nouveaux arrivants. Arthur Hohler( Ancien Président de l’Association, des Associations Britanniques) Francis Babé: Compte tenu de l’évolution de la Turquie d’Erdogan, quelle place pour ce pays dans l’Alliance Atlantique, l’OTAN et l’Union Européenne ? Très rapidement après la constitution de l’Alliance, En 1952, la Turquie et d’ailleurs la Grèce ont adhéré à l’OTAN. Je pense qu’il est toujours  préférable aujourd’hui, d’avoir la Turquie au sein de l’Alliance qui constitue pour elle pratiquement la seule instance de dialogue politico-militaire multilatérale. L’évolution actuelle du pays soulève des doutes. Jusqu’où peut-on accepter des compromis? Il ne faut pas avoir peur des débats ouverts sur des sujets brûlants, cette question se pose de plus en plus crûment au sein de l’Alliance. Concernant l’Union Européenne, la question ne se pose plus pour le moment. D’ailleurs, le pouvoir turc n’en veut plus. La Turquie est, certes, une source de préoccupations, mais d’autres pays européens le sont également. François-Xavier Martin (Président d’Honneur de Crédit X Mines. Secrétaire Général et Trésorier de Géostratégies 2000) : Après la chute du Mur de Berlin, on a parlé de la possibilité d’une entrée de la Russie dans l’OTAN. N’y a-t-il pas eu une occasion manquée ? Il aurait fallu pour cela changer profondément la nature et les missions de l’Alliance. Cela n’a pas empêché de créer un partenariat entre la Russie et l’OTAN qui a bien fonctionné jusqu’à l’annexion de la Crimée par la Russie. Aujourd’hui, il est important de trouver des voies et des moyens de rétablir des relations saines avec la Russie. Définir des bases sur lesquelles on pourrait rétablir la confiance. Christophe Segar (Analyste de l’énergie chez CAIE) : Pour l’OTAN, la Turquie n’est-elle pas un plus gros problème que les préjugés de M. Trump? Il est exact que la situation en Turquie est préoccupante. La communauté internationale a peu de marge de manœuvre. Elle a besoin de la Turquie, de sa position stratégique, de son rôle d’Etat « tampon » mais elle ne peut pas tout accepter. L’attitude du président Trump vis à vis de la Turquie va être intéressante à observer. A mon sens, le président américain, pour ce que l’on puisse en percevoir à ce stade, devrait favoriser un axe USA, Turquie, Russie avec comme objectif déclaré la lutte contre DAESH et l’extrémisme islamique. Cela lui permettrait également de créer un front contre l’influence iranienne grandissante au moyen Orient, ce n’est là qu’une opinion personnelle. La France ne peut se désintéresser ni de l’avenir de la Turquie, ni de la politique étrangère américaine au Moyen Orient (et ailleurs) Il s’agit aussi d’un véritable test pour l’UE (avec, puis sans la Grande Bretagne). Christophe Bouchez (Avocat - Cabinet Veil-Jourdes) : La France n’a pas participé aux grandes manœuvres de l’OTAN en Pologne. Comment voyez-vous le rôle de la Pologne dans l’OTAN de demain? Quid de ses relations pour le moins tendues avec la France? La Pologne est un membre de l’OTAN et de l’UE à part entière. Certains lui reprochent un attachement trop fort aux USA, mais de nombreux facteurs entrent en jeu, en particulier le changement de pouvoir à Varsovie, puis maintenant aux USA. Pour revenir sur une affaire d’actualité, la décision de rompre les négociations avec Airbus pour l’achat de 50 hélicoptères Caracal a provoqué, à juste tire à mon avis, la colère de la France, de l’industrie et les tensions sont vives entre les deux pays. Mais on ne peut en rester là car la Pologne est un pays clé pour l’avenir de l’UE. Il y a un vrai travail de fond à effectuer, il faut se demander pourquoi le nationalisme s’impose démocratiquement dans certains pays de l’UE. Probablement, en partie car l’Union Européenne a déçu, elle s’est mal vendue.Mais, il serait trop facile d’incriminer Bruxelles car l’UE n’est que le reflet de ce que les différents pays veulent en faire. A mon sens, Les Européens doivent se concentrer sur leur défense et leur sécurité commune et s’engager résolument ensemble dans la lutte contre le terrorisme. Pour l’heure, l’Union Européenne ne peut pas revendiquer une forte ambition dans la défense, vu ses contributions budgétaires et humaines. Il faut mettre en place des objectifs chiffrés. Allouer au moins 2% du PIB, si on veut développer un outil de défense efficace, aimer aussi travailler sur le fond pour assurer l’efficience des dépenses de dépense et de sécurité. Pour les Américains, la défense est un outil de puissance. Il y a un soutien considérable du gouvernement et les retombées sont très positives pour des grands groupes comme Boeing. Une partie du problème vient aussi du déséquilibre intra-Européen. Quand on a élargi l’Union Européenne, il y a eu un afflux de demandes légitimes. Dans le climat d’optimisme de l’ère post-soviétique, on a simplement oublié que ces pays avaient la volonté, mais pas les moyens. Il aurait fallu plus d’accompagnement, il y avait un prix à payer à cette intégration, une sorte de plan Marshal à l’Européenne et on ne l’a pas compris ou accepté. Aujourd’hui, on le paie. Dans le domaine de la défense, il n’y a pas eu de transition vers des équipements modernes. Certains pays utilisent encore du vieux matériel soviétique. L’Allemagne a lancé des initiatives pour aider les anciens pays de l’Est à se reconstruire. Il faut suivre cette voie, investir dans notre avenir commun. Carol Amouyel-Kent  (Senior Credit Policy Manager Group Royal Bank of Scotland): En Europe, seules la Grande Bretagne et la Pologne consacrent 2% de leur PIB aux dépenses de défense. Comment faire pour que l’Europe de la Défense/OTAN ait plus de crédibilité? Jean-Louis Pierrel (Relations Universitaires IBM France. Secrétaire Général Adjoint Géostratégies 2000) : Quid de l’efficacité de l’armée américaine, malgré ses 700 milliards? La Russie et la Chine, en dépensant beaucoup moins, ne sont-ils pas très menaçants? Tout d’abord, il faut être clair, les Britanniques n’ont jamais adhéré à l’idée de la Défense européenne. Ils ont toujours donné la priorité à leur autonomie stratégique, en acceptant cependant une forme de dépendance vis à vis des Etats Unis pour leur composante de dissuasion et pour le Renseignement. Sur le plan multi- national, ils ont clairement indiqué que l’OTAN était leur priorité. La Russie a un PIB équivalent à l’Espagne, mais elle en utilise 5% pour sa défense et en particulier pour ses forces nucléaires. Cela fait partie de la stratégie de puissance Russe se maintenir à parité avec les USA dans le domaine nucléaire et développer des forces conventionnelles crédibles pour intervenir dans les crises. A mon sens, V. Poutine est un opportuniste, il saisit toutes les occasions pour repositionner son pays sur la scène internationale, en Syrie, en Crimée, qui lui offre un accès à la Mer Noire, et même en Libye. La Russie est revenue sur le devant de la scène. Peut-on l’en blâmer? Il faut appliquer le principe realpolitik, mais pour cela, il faut une Union Européenne forte et une Alliance Atlantique unie. Quant à la Chine, elle suit sa propre, si elles sont semblables aux nôtres ou pas. En tout cas, l’Union Européenne doit se montrer plus offensive dans les négociations commerciales internationales. Général Niclot  (Directeur Business Development Thales Air Systems) : Quelle est la relation entre poids politique et poids industriel dans l’OTAN ? Comment se positionnent les entreprises européennes face aux américaines? Le poids de l’industrie européenne est à la hauteur de ses compétences. Là où ces compétences sont reconnues, cela fonctionne très bien. C’est le cas par exemple avec Thales qui est un acteur majeur dans le système de commandement et de contrôle de l’espace aérien. En revanche, la vente de l’avion de combat américain F 35B, en Grande-Bretagne, en Europe du Nord (Danemark, Norvège) et du Sud (Italie), n’a rien à voir avec l’OTAN Ces contrats ont été signés dans le cadre de relations bilatérales entre les USA et les différents Etats concernés. Pour remporter des marchés, les Américains sont intraitables et cela vaut pour tous les Présidents américains. D’ailleurs D.Trump se réfère souvent à la devise de Roosevelt « Speak softly but  carry a big stick », mais dans son cas ce serait plutôt « speak harshly and threaten with a big stick » « parle durement et menace avec un gros bâton » Dans l’affaire des hélicoptères vendus à la Pologne par Airbus, c’est un renversement politique qui a changé le cours des choses, on peut considérer que ce n’est pas normal mais il en va ainsi de la démocratie. En résumé, je pense qu’il faut absolument éviter la dérive des continents, que les Etats-Unis s’éloignent trop de nous, sur un plan commercial, économique et politique. La meilleure réponse est une Europe forte et déterminée. Jean-Louis Pierrel : Très pratiquement, que ferait l’OTAN si les Russes pratiquaient aux Pays Baltes ce qu’ils ont fait en Ukraine? Et si la Finlande posait sa candidature? Les Russes ont compris que l’information était la clé du monde moderne. Ils se sont organisés dans cette optique. Lors de chaque événement, où ils sont mêlés de près ou de loin, les Russes n’hésitent pas à nier les faits ou leur donner une interprétation biaisée. Cela participe d’une stratégie d’influence très bien orchestrée. Ainsi font-ils ainsi planer le doute sur la solidarité de l’OTAN vis à vis des Alliés Orientaux, en particulier les Etats Baltes. Les Alliés ont maintes fois réaffirmé son engagement pour leur défense collective « one for all, all for one ». S’il y avait une attaque avérée contre les États Baltes, je ne doute pas l’Alliance réagirait. D’ailleurs, l’OTAN est très vigilante face aux incursions de sous-marins et d’avions russes dans la zone. De plus, contrairement à certaines idées subtilement suggérées, les États Baltes ne constituent pas une proie facile. D’abord, leur population est tout à fait hostile à un retour dans le giron russe y compris les communautés russes installées dans ces Etats. Les Etats Baltes font également partie de l’Union Européenne, qui représente un poids social, économique, politique et sécuritaire primordial. Mais il faut le reconnaître Les attaques intestines, dites « hybrides » s’appuyant sur tout moyen de déstabilisation, y compris dans l’espace cyber, sont très pernicieuses. Cependant, l’OTAN a d’ores et déjà déclaré que des attaques cyber d’une certaine envergure contre l’un de ses membres pourraient justifier la mise en œuvre de l’article V. La Finlande, tout comme la Suède, ont des partenariats privilégiés avec l’OTAN qu’ils pourraient intégrer s’ils le souhaitaient. Ces 2 pays peuvent également bénéficier des mesures de défense collective de l’UE qui figurent au traité de Lisbonne. Georges Grosz (Consultant - Associé Corporate Développement international. Président d’Honneur des Anciens de LSE en France) : Quid de la défense anti-missile?  Qui va expliquer à Donald Trump la réalité du monde? L’intérêt des États- Unis dans l’OTAN ? Comment est assuré le financement de l’OTAN? L’Alliance Atlantique met en œuvre sa propre défense anti-missile, mais cela a été long et difficile. L’acquisition de cette capacité a été acceptéeau sommet de Chicago, puis réaffirmée à Cardiff et à Varsovie; C’est plus une capacité préventive que dissuasive. Pas plus qu’ailleurs, au sein de l’alliance, il n’existe de boule de cristal pour lire l’avenir, mais il faut cependant se préparer à faire face à tous type de menaces même si certaines d’entre elles semblent lointaines, l’expérience nous a appris que le futur peut se produire beaucoup plus vite que nous l’anticipons. Cette défense anti missile est une forme d’assurance car ces technologies seront de plus en plus à la portée de nombreux  pays. Le président Trump a choisi comme Secrétaire d’état à la défense le général Mathis qui a lui-même commandé le commandement de la Transformation de l’OTAN juste avant que la France se voit confier cette responsabilité. Nul n’est mieux placé pour expliquer au président américain l’importance de l’Alliance Atlantique dans un monde agité par de nombreuses crises et qui n’est pas à l’abri du « retour de la force » dans les relations internationales. Pour les États-Unis, l’OTAN est une organisation unique pour maintenir le lien, la solidarité transatlantique au service de valeurs communes et ce depuis près de 70 ans, sauf à renier l’histoire et les leçons des 2 guerres mondiales du 20ème siècle, le nouveau président américain ne peut l’ignorer. Vice-Amiral Jean-Louis Vichot  (Délégué Général de l’UDESCA - Président de l’ADOSM) : Trump parle de l’OTAN comme d’une structure « obsolète » c’est aussi l’axe de Poutine. C’est également un outil pour imposer les normes américaines et brider la recherche et développement européenne? Quelle est votre opinion? J’ai déjà parlé du rôle éminent du Général Mathis auprès du Président américain. De plus, les Britanniques ont toujours affiché leur priorité pour l’OTAN. Ils seront les meilleurs avocats pour convaincre D. Trump[1]de la pertinence de l’OTAN. Cela dit, pour conserver à l’OTAN sa crédibilité et éviter son obsolescence, il faut poursuivre sa transformation afin d’anticiper les nouvelles formes de menaces et de l’adapter au nouveau contexte géostratégiques et aux futurs engagements opérationnels. L’idée que l’OTAN est un outil qui permet aux américains d’imposer leurs normes et brider les efforts de recherche et de développement européens est très répandue, mais après mes 3 années d’expérience à la tête du Commandement de la Transformation à Norfolk, je ne souscris pas à ce mantra. Je le répète, l’Alliance fonctionne sur le principe du consensus, chacun a sa voix autour de la table commune. Je pourrais également donner de nombreux exemples démontrant que l’expertise de l’industrie européenne, en particulier française est reconnue et appréciée au sein de l’Alliance. De plus, pour exporter leurs équipements, les Américains n’ont nullement besoin de l’OTAN puisqu’ils traitent en bilatéral avec les pays intéressés. Ainsi, ni l’avion de combat F35, ni les drones Reaper ne sont des produits Otaniens. Enfin, les normes d’interopérabilité (STANAG) définis au sein de l’Alliance et agréés à 28 doivent permettre au plus grand nombre de pays de pouvoir s’intégrer dans les opérations de l’Alliance. Dans ce domaine, l’OTAN agit comme un régulateur vis à vis des Américains qui, portés par leur budget de défense et leur tropisme technologique, ont tendance à avancer seul sans se soucier de leurs Alliés. Comme démontré récemment lors de la visite de Madame May à Washington* *Remarque ajoutée en Janvier 2017