Géostratégies 2000 recevait le 31Janvier 2018, Eric Léandri, ingénieur expérimenté en sécurité informatique à l’origine de la définition d’un moteur de recherche européen qui permet de concilier les deux concepts de sécurité et de respect de l’environnement. Vice-Président en 2016, il est aujourd’hui président de cette société qui développe sa propre technologie de l’indexation du web fondée sur le respect des droits des personnes, des administrations et des entreprises, le respect de la vie privée et de la liberté d’entreprendre. Il n’y a pas avec ce moteur de collecte organisée du renseignement. Sur les 2,6 milliards de requêtes quotidiennes, QWANT souhaite obtenir 5 à 10% d’un marché dominé aujourd’hui par le GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple).
Trois aspects sont abordés :
- le positionnement de QWANT,
- les enjeux stratégiques,
- le rôle de l’UE dans ce domaine.
LE POSITIONNEMENT DE QWANT
QWANT est un moteur de recherche éthique et européen, un levier d’innovation et un accélérateur de croissance. Il existe huit principaux moteurs de recherche selon les pays : YANDEX (Russie) qui représente 55% du marché local, NAVER (Corée du Sud), YAHOO Japan(Japon), BAIDU (RPC), SEZNAM (République tchèque), GOOGLE (EUA) et QWANT !
Un moteur de recherche ne doit pas être confondu avec un navigateur de recherche qui permet d’aller sur internet ; le navigateur ne fait pas de la recherche d’information : ainsi Google paie 3 milliards de dollars àApple pour être le moteur de recherche de Safari.
Il existe donc 4 navigateurs et 8 moteurs de recherche principaux dans le monde.
La domination incontestable de Google entre 2009-2012 est assurée par Eric Schmidt, PDG d’ALPHABET, qui a créé un véritable univers, imposant ses normes et ses décisions sur le web. Mais cette position peut être contestée ; Madame Margrethe Vestager, commissaire européen n’a pas hésité à faire condamner Google qui accordait une place prépondérante à son propre comparateur de prix Google shopping, rétrogradant ainsi les autres comparateurs de prix dans les résultats de la recherche. Ceci permettait à Google shopping d’obtenir plus de clics et ainsi de générer plus de gains que ses concurrents.
Pour contrer cette position dominante, l’idée naît en Europe de créer un web social c’est-à-dire un web qui ne collecte pas les données de ceux qui le regardent.
Entre 2011 et 2013, des brevets sont déposés en ce sens et le lancement de ce moteur a lieu le 4juillet 2013. En 2014, le groupe allemand Springer entre au capital pour développer la société dans le monde. QWANT junior est lancé en 2015-2016 ; le moteur est destiné au 6/12ans, ne comporte aucun site adulte ni aucune image de violence. Cela est plus efficace que le contrôle parental classique. Puis est développé QWANT en augmentant le nombre de serveurs ce qui fait qu’aujourd’hui 97% des requêtes sont satisfaites.
En 2016, pour aider au développement d’un moteur de recherche européen, la Banque Européenne d’Investissement (BEI) entre dans le capital de QWANT à concurrence de 25 millions d’euros et l’année suivante la Caisse des dépôts et consignations française investit pour garantir ce projet sur le long terme.
La société compte aujourd’hui environ 150 personnes et aspire à représenter entre 5 et 10% du marché européen en 2020.
Contrairement à Google, QWANT se veut un moteur de recherche éthique selon l’article 12 de la déclaration des droits de l’Homme de 1948 qui interdit de lire la correspondance et de connaître la vie privée d’autrui. Or, GOOGLE bafoue ces éléments de protection de la vie privée. C’est pourquoi le règlement européen sur la protection des données (RGPD) demande l’application de cet article et une protection par défaut (opt in-opt out) ; jusqu’en mai 2017 les Etats-Unis choisissent l’opt-in et les Européens l’opt-out. Cela explique pourquoi QWANT a choisi de ne pas collecter les données personnelles, donne des réponses neutres comme dans web actualités, est absent des réseaux sociaux et ne place aucun cookie, ne conserve aucun historique de recherche.
LES ENJEUX STRATÉGIQUES
Pour exister QWANT doit se développer d’où ses déclinaisons : QWANT junior, QWANT music, QWANT games.
Trois objectifs sont visés : la cyber-sécurité, l’internet des objets et l’intelligence artificielle.
L’index du web est comparable à un index de bibliothèque ; la question est de savoir ce que l’on veut faire entrer dans ce référencement. En Europe, il n’existe pas d’index alors que l’américain GOOGLE en possède un. L’objectif est donc de créer un index.
Deux stratégies sont possibles, le B2B et le B2C
- le B2B (Business to business) est le fait la société SAP, champion du monde, utilisé par exemple par les sociétés Thalès, Ingenico, Airbus qui a développé un programme qui prend les data, calcule et donne les résultats.
- Le B2C (Business to consumer).
Si le B2B est intéressant à court terme car il peut générer des profits rapides (8 fois le chiffre d’affaires), le B2C permet quatre fois plus de profits (32 fois le chiffre d’affaires); ce dernier concept augmente la valeur globale de l’entreprise, augmente la croissance et multiplie les emplois. L’application « Doctolib » s’appuie sur cette pratique : aujourd’hui 2500 docteurs l’utilisent et cette application connaît une croissance de 200%. Le BtoC est donc un accélérateur de croissance
L’utilisation de QWANT pour les comptes bancaires est en route.
Les objets connectés : en cherchant la météo sur QWANT les utilisateurs du moteur de recherche ont désormais accès à de multiples données météorologiques brutes : des données provenant des Stations Météo Individuelles, des Pluviomètres et des Anémomètres Netatmo.
QWANT mène des actions avec des sociétés environnementales sans néanmoins pratiquer le charity business. Ces actions ont lieu pour donner un sens global à l’économie dans le cadre par exemple des programmes de l’AGYP (Programmes pour la Croissance et la Jeunesse Active / Active Growth&Youth Programs (AGYP) Afrique-France).
L’audience de QWANT augmente car elle s’appuie sur Atout France, la clientèle junior et la musique. QWANT augmente aussi les possibilités de liaison entre les appareils avec l’application MASQ, qui est un système de connexion d’appareils permettant la sauvegarde de données en temps réel d'un appareil à l'autre sans que les données ne soient récupérées ou stockées. De même pour QWANT PAYqui permettra d'effectuer des paiements sécurisés, non tracés et éthiques.
Ce moteur de recherche est aussi utilisé dans les domaines et les lieux les plus divers :dans l’agriculture, QWANT s’efforce de donner des informations sur les qualités des terroirs, en Côte d’Ivoire Le moteur de recherche français QWANT s'est associé avec la start-up tricolore Be-Bound, experte dans la couverture de l'Internet mobile et l'Internet des Objets (IoT), et des startups ivoiriennes, autour d’un projet commun avec La Poste de Côte d’Ivoire et l’Union postale universelle (UPU), institution spécialisée des Nations unies pour le secteur postal.
La 1ère question permet de développer le 3ème point sur le rôle de l’UE aujourd’hui dans le développement de QWANT.
Laurent LAMY (Chef de projets transverses) : Qu’est-ce qui nous garantit la pérennité et la véracité du positionnement de QWANT ?
Les investisseurs n’ont pas besoin d’argent et dans les statuts de la société, il n’est pas créé un droit pour écouter les informations ; de plus, en France, la CNIL a des exigences qu’il faut respecter, ainsi le code est en open source et indique ouvertement ce qu’il fait et ce qu’il ne fait pas ; il existe aussi un contrôle administratif et policier (GDPR). Rappel : aux Etats-Unis conformément au FreedomAct, les données peuvent être communiquées aux autorités ; hors de l’UE, il n’existe pas de solution pour garantir la vie des data
Philippe Beauvillard (Président du syndicat de la presse culturelle et scientifique): dans votre application presse, la rémunération des éditeurs est-elle organisée de façon plus acceptable que par les GAFA ?
En Allemagne, les éditeurs sont payés par VGMedia, en France, 150 millions sont donnés par Google, en Espagne il n’existe pas de GOOGLE Press.Une autre solution existe : I-Press qui est un produit pour éviter de recourir à GOOGLE.
Luisa Hartung (Elève terminale - Lycée Maurice Ravel – Paris) : Peut-on retracer des informations si les autorités en ont besoin ? Toutes les données sont-elles sécurisées ?
Il est impossible de retracer les informations sur QWANT selon les principes de sécurité et de contrôle. Dans le cadre d’un contrôle gouvernemental, le plus important est de contrôler les sites du Darkweb.
Jean-Pierre Pierrel (Responsable relations universitaires IBM, Secrétaire général adjoint Géostratégies 2000) : Quels sont les rapports de votre société avec les pouvoirs publics et plus spécialement avec le monde de l’éducation ?
Les rapports sont bons mais pas excellents.
Il y a en France quatre millions de fonctionnaires qui ne sont pas automatiquement connectés par QWANT. L’administration financière et la Défense sont sur QWANT. Google paie 400 millions d’euros au navigateur FIREFOX pour être son moteur de recherche. De même, sur le site des impôts, QWANT était bloqué par un firewall, il a fallu six mois pour débloquer l’ensemble des trésoreries. Dans le domaine de l’éducation, il n’y a pas de signature de partenariat entre le ministère et la société QWANT. QWANT envisage d’ailleurs un recours en justice. GOOGLE est installé sur presque tous les ordinateurs. Il faut donc se battre pour installer QWANT dès l’origine.
Yves Alexandre (Conseil en organisation et stratégies) : Etes-vous concerné par la question des déserts/fractures numériques territoriales ? Si oui, que faites-vous pour « changer le logiciel » et essayer de combattre la tendance à la croissance des fractures numériques ?
Sur un ordinateur il est facile d’installer QWANT ; cela est plus difficile sur Androïd : il existe un blocage sur Chrome ou un ralentissement des performances. Au CES de Las Vegas, si QWANT est installé sur les Androïd, Google ne donne pas suite à des demandes de recherche provenant de ces appareils. Google refuse la concurrence et ce refus relève de la Commission européenne.
L’UE est dans le capital de QWANT. Il existe un plan européen pour développer la fibre vers les déserts numériques mais il faut du temps pour débloquer les fonds : ainsi il a fallu un an pour obtenir les 30 millions alloués par l’UE. Il faut rappeler que les gouvernements sont indépendants dans l’UE, qu’il faut donc passer des accords avec les autorités comme par exemple l’accord passé entre QWANT et le ministère de l’éducation roumain.
Simon Keller (Elève terminale Lycée Hélène Boucher – Paris) : D’où viennent vos revenus ? En quoi consistent vos partenariats ? Est-ce le modèle de GOOGLE avant 2008 ? Comment assurer à la fois la neutralité et la gratuité du web et les revenus de votre entreprise ?
Monsieur Laurent Acharian (Marketing & Communications Director- The Boston Consulting Group : Quel est votre « business model » ?
Prenons le cas de la FNAC, entre 1997 et 2004, les magasins rémunèrent Google en fonction du nombre de clients envoyés par les moteurs de recherche. Aujourd’hui on utilise davantage le « real time bidding » qui est une technologie qui consiste à vendre en temps réel et au plus offrant une impression publicitaire donnée. Booking génère 4,1 milliards de dollars pour Google, Expedia 2 milliards de dollars.
Dans l’UE le traitement de l’information est égal pour tous ; aux Etats-Unis le concept « whooper neutrality burger king » peut s’appliquer, cassant ainsi la neutralité du net et créant des nets à plusieurs vitesses selon le prix payé.
Le site Booking établit une différence entre « plein » et « cher ». L’hôtel lié à Booking ne peut pas vendre moins cher que les prix pratiqués sur le site sinon il s’expose à perdre 40% de ses réservations même si l’hôtel n’est pas plein et que l’hôtelier veut remplir ses dernières chambres.
La question qui se pose est celle de la pérennité de la neutralité du net.
Jean-Claude Richard (Ancien ambassadeur Asie du Sud-Est) : Qu’est-ce qu’un « malware « ? Quels sont ses risques ?
Alain Viallix (Nokia corporation Director strategic initiatives) : la page d’accueil de QWANT est bien touffue ? N’avez-vous pas intérêt à simplifier cette page d’accueil ?
Le malware est un virus qui infecte les ordinateurs. D’où la notion de ransomware qu’il faut payer pour débloquer l’ordinateur. Cela impose de placer des anti-virus, de ne pas aller sur des sites débiles et de respecter les conseils de l’ANSSI (agence nationale de sécurité des systèmes d’information).
La page d’accueil est simplifiée dans la nouvelle version.
Marielle VICHOT - Membre du Conseil d'administration de Géostratégies 2000 Propos non revus par intervenants.